SBS Radio, 24 décembre,1999
Message de noël
Le silence
Je reviens justement de l’Inde où j’ai assisté à une réunion entre les Bouddhistes, les Chrétiens et les Hindous. Pendant six jours nous avons abordé un sujet de grand intérêt, c’est-à-dire le paradoxe du vide et de la plénitude. Nous avons mangé ensemble aussi, mais surtout nous avons médité ensemble chaque jour pendant plusieurs heures. C’était par le silence surtout que nous nous sommes rapprochés, un silence délicieux au-delà des paroles. Par le silence, chacun à sa façon s’est approché aussi du Mystère suprême, de telle sorte qu’éventuellement une paix sainte s’est établie parmi nous. C’est la paix que toutes les religions recherchent.
C’est la paix de noël ou l’on célèbre la présence silencieuse de Jésus nouveau-né qui se repose tranquillement sur la paille. Lui, le Verbe fait chair, ne dit rien mais sa présence signifie tout. D’après le récit de Saint Luc, c’est l‘ange qui explique la chose aux bergers: « Je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple. Aujourd’hui vous est né un sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur. » Les paroles humaines sont utiles et nécessaires jusqu’à incertain point mais finalement elles font place au silence qui n’ est pas un mutisme mais la plénitude de la parole qui seul nous amène sur ses ailes tranquilles au Mystère divin que d’aucuns dénomment le vide et d’autres Dieu lui-même. André Malraux, ministre de la culture au temps de Charles de Gaulle a dit que « Le siècle prochain sera religieux ou ne sera pas. » Et notre groupe ajouterait que l’avenir de l’homme est silence en la Présence divine.
Le Dalai Lama, le dieu-roi du Tibet, a bien voulu accepter l’invitation d’assister à notre dernière séance qui avait lieu à l’endroit même ou quarante ans plus tôt il était arrivé fugitif devant les armées chinoises pour être accueilli par un moine bouddhiste, un prêtre catholique et un swami hindou. On comprend donc qu’il promeut, partout où il va dans le monde, la réconciliation entre les religions. Les siècles passés ont vu les périodes de foi partagée et les guerres de religion, les grands succès missionnaires et l’ abandon de la pratique religieuse. Mais le cœur de l ‘homme a soif du paradoxe du Mystère qui nous dépasse et nous émerveille. La religion sera donc toujours actuelle. Nous avons besoin du silence que nous entendons en entrant dans l’étable ou se trouve le Verbe incarné, le Dieu-enfant, paradoxe des paradoxes, mystère d’entre les mystères,
Le récit évangélique explique que César Auguste, le premier empereur romain, ordonna qu’on recense toute la terre, lui qui se vantait d’avoir établi la paix romaine partout dans l’ empire. Mais on a presque oublié ce personnage important et c’est l’Enfant nouveau-né, Jésus, qu’on célèbre à travers le monde. Je prie donc, par l’enfant de Bethlehem, qu’un silence délicieux résonne au fond de votre esprit, que le Mystère infini se manifeste en votre âme et qu’une joie indicible vienne informer vos paroles et vos gestes de telle sorte que vous soyez vous-mêmes la réconciliation dont ce monde a tellement besoin. Joyeux noël, joyeux millenium.