2004 Radio SBS, Pâques, L’œil
Le filme de Mel Gibson, La Passion du Christ, est fortement discuté à l’heure actuelle. Les uns protestent contre la brutalité extrême du filme. D’autres en sortent très émus. Mel Gibson présente les évènements selon ses propres idées – il est à la fois poète et cinéaste et on sait que le filme ne remplacera jamais le récit évangélique qui reste, depuis deux mille ans, le médium le plus puissant.
Je n’entre pas dans la controverse, mais j’aimerais signaler ce qui m’a frappé le plus dans ce filme, c’est-à-dire l’œil de Jésus, je veux dire bien sûr de l’acteur qui joue le rôle de Jésus. L’œil droit est à demi clos à la suite d’un coup sur le visage, mais l’œil gauche fait voir l’intelligence de Jésus qui sait exactement ce qui se passe et l’accepte volontiers. On y voit le regard clair, souffrant mais calme et limpide car Jésus sait bien que tout ce qui se passe est voulu par Dieu et Jésus lui-même le veut aussi.
Le thème de l’œil est annoncé dès le début du filme qui montre une partie de l’icône russe célèbre de la Vierge, tout juste l’œil gauche et le nez. C’est comme si l’œil de Marie mère de Jésus se transmettait à son fils, l’œil de la connaissance.
Nous les spectateurs, nous supportons mal la vue d’une telle souffrance. Elle nous épuise et on veut en finir. Mais on sait que même de nos jours ces scènes se répètent. L’homme est maltraité par l’homme. La torture se pratique en nombre de pays. Si ce filme réussit à nous faire comprendre ce qu’est la torture et nous incite à protester contre cet abus, il aura bien réussi.
Nous célébrons ces jours-ci le mystère pascal de la mort et de la résurrection de Jésus. Sa passion n’est pas un accident mais est choisi; elle n’est pas un évènement politique mais religieux. Les évangiles sont bien clairs à cet égard. La mort de Jésus n’est pas une liquidation mais un sacrifice, non pas un malheur mais le salut rédempteur.
Le peuple saint, l’empire romain, les disciples aussi et l’humanité entière y sont impliqués. Si tous sont impliqués, tous en bénéficient.
De nos jours aussi chacun est responsable en quelque sorte de la condition de chaque homme. On ne peut plus détourner le regard et protester qu’on n’y a rien à voir. Le malheur du plus inconnu me touche aussi. Mon regard sera-t-il indifférent ou intelligent, dur ou compatissant. Car l’œil révèle l’âme et la clarté qui nous habite éclaircit le monde que nous habitons.
Enfin, Jésus meurt et à l’instant-même de sa mort, dans ce filme de Mel Gibson, c’est comme si une larme tombait du ciel. Gibson, poète, suggère par là que c’est Dieu qui pleure son Fils bien-aimé. L’avant-dernière scène du filme nous présente Marie qui tient son fils dans ses bras et qui nous regarde, ses yeux pleins de douleur et d’intelligence. Parmi tous les participants de ce drame c’est elle seule qui comprend vraiment ce qui se passe et le partage pleinement.
Mel Gibson a du mal à présenter la résurrection, mais comment présenter cinématiquement ce qui dépasse l’imagination humaine ! On voit du dedans le tombeau la pierre qui se détache. C’est comme si l’œil s’ouvrait. L’heure des ténèbres est finie et la clarté du jour remplit le tombeau. Jésus qui, selon le crédo est Lumière née de la Lumière, qui fut pour un temps réduit au néant, revit. Il a tout vu, et le bien et le mal, et le ciel et les enfers. La connaissance plénière se trouve maintenant chez le Dieu-homme et se communique à la terre entière.
Le filme de Mel Gibson, et je n’insiste pas sur ses défauts, peut nous rappeller ce que les chrétiens célèbrent à Pâques. Que la clarté et la joie du Ressuscité demeure chez vous et illumine chaque aspect de votre vie. Que notre regard soit à jamais compatissant et calme.