Vers un tantra chrétien : aventures et découvertes

KONICA MINOLTA DIGITAL CAMERA

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En somme, par sa richesse le tantra chrétien ouvre d’innombrables voies à la réflexion théologique.

Vers un tantra chrétien : aventures et découvertes

 Papier présenté à la Conférence d’ACFAS, Montréal, Canada

Introduction :

« ‘Un tantra chrétien’ ? Impossible ! ». Peut-être. Il se peut aussi que la rencontre du christianisme et du tantra soit aujourd’hui ‘un lieu de spiritualité’, riche et même nécessaire.

On trouve quantité de livres qui présentent le Shivaïsme du Cachemire, tel The Triadic Heart of Śiva (Muller-Ortega 1989), et les textes sur le Christianisme sont innombrables. Par contre bien rares sont les textes qui essaient de les confronter. Cet article aborde plusieurs sujets : le non-dualisme, la parole, l’autonomie, spiritualités du plaisir et de l’horreur, l’ascendance du féminin, la prière. Il nous montre à quel point le Shivaïsme de Cachemire peut illuminer l’Evangile et mener à une réflexion théologique plus profonde. Il nous invite à cesser d’être ‘campée traditionnellement à l’ombre’, et à s’aventurer dans l’inconnu et y trouver des richesses insoupçonnées (Dupuche 2004).

Cet article souligne l’importance du rituel Kula qui se situe à l’extrême ‘gauche’ du grand éventail des systèmes tantriques dont la trajectoire s’élance de ‘droit’ à ‘gauche’, c’est-à-dire du licite à l’illicite, du masculin au féminin. Les dieux sont toujours mentionnés mais deviennent de plus en plus passifs (Dupuche 2003, 18-19) : c’est la déesse qui prend le dessus.

Selon la légende, les Śivasūtra, texte fondateur du Shivaïsme du Cachemire, fut révélé par Śiva à Vasagupta (c.875-925) au 9ième siècle de notre ère. L’école continue avec Alloa, Sadananda, Utpaladeva et atteint son apogée avec Abhinavagupta (c. 975-1025 C.E.), mystique, poète, dramaturge et philosophe. La tradition s’éteint avec son disciple, Kṣemarāja. Deux siècles plus tard Jayaratha compose un commentaire complet du Tantrāloka (Abhinavagupta 1987), après quoi la tradition disparaît alors presque sans trace sauf quelques commentaires, par exemple au 18ième siècle celui de Śivopādhyāya sur le Vijñāna Bhairava, ou la glose de Anandabhaṭṭa sur le même texte. Au 19ième siècle, Georg Bühler, engagé par le Raj britannique à faire un recensement des manuscrits du Cachemire, du Rajputana et de l’Inde centrale, découvrit dans les maisons des brahmanes les textes du Shivaïsme du Cachemire écrits en lettres śāradā qui furent publiés par la suite en lettres devanāgarī dans le ‘Kashmir Series of Texts and Studies’, pendant les années 1911 – 1947. Au 20ième siècle Laxman Joo, les enseigna au grand public venu du monde entier s’assoir à ses pieds. La traduction et la présentation du Paramārthasāra (Abhinavagupta 1958) par Lilian Silburn fut la première étude occidentale. Depuis lors on s’intéresse beaucoup à cette école qui s’avère une des plus grandes de l’Inde.

  1. Non-dualisme

Le Shivaïsme du Cachemire est un système non duel (advaita) dont la réalité ultime est la conscience (savit) plénière, dénommée ‘Śiva’ (‘le bienveillant’) qui s’exprime pleinement dans la phrase ‘Je suis’ (aham). Śiva le non duel dit effectivement, ‘Je suis le bien et le mal, la lumière (prakāśa) et l’obscurcissement (tirodhāna), l’être (sat) et le néant (asat) : tout simplement ‘Je suis’.

La théologie chrétienne distingue entre Dieu et homme, ciel et terre, foi et raison, péché et grâce, bien et mal, pur et impur. Le Shivaïsme du Cachemire estime au contraire que ces oppositions sont des ‘constructions mentales’ (vikalpa) qu’il faut abandonner. Il faut plutôt imiter le dieu Bhairava, c’est-à-dire Ïiva sous son aspect farouche injustement condamné à fréquenter le lieu des morts, qui s’assied le regard dirigé à la fois au dehors (bahi) et en dedans (anta) : « Il dirige son regard à l’intérieur, il regard au dehors, il n’ouvre pas les yeux ni ne les ferme […] » (Kṣemarāja 1982, 98, nous traduisons). S’il regarde ce qui est devant lui il se voit lui-même, car le monde (viśva) est l’émanation (sṛṣṭi) de son être. S’il contemple son propre soi (svātmā) il voit le monde qui provient de lui, tout comme l’énorme banyan sort de la semence (bījā). Śiva / Bhairava est tout. Tout lui appartient ; il appartient à tous. Il résume tout en l’unité de son corps. C’est ce qu’on appelle ‘l’attitude de Bhairava’ (bhairava-mudrā) que le pratiquant de la tradition de Cachemire cherche à posséder. A la fin il sait que « Je suis partout (Le Vijñāna Bhairava 1983, verset 104) », que «Je suis omniscient, omnipotent et omniprésent (Le Vijñāna Bhairava 1983, verset 109)» et que «la variété du monde procède de moi (Le Vijñāna Bhairava 1983, verset 110) ».

  1. Parole

La Réalité ultime est le ‘Je’ qui s’exprime en disant ‘Je suis’ (aham). Cette parole (vāc) primordiale est le fondement de toutes les paroles, de toutes les révélations, de tous les objets, de sorte que le monde est une hiérarchie de révélations, de mots, d’expressions, de manifestations. Les objets sont des mots ; les mots sont des objets. Tous les objets ne sont que la résonnance divine. Nous voilà non pas devant le panthéisme mais le pan-kérygme. Tout est révélation ; tout est l’expression de Śiva, non pas séparé de lui mais identique. Les mantras sont des dieux, les dieux sont des mantras, car le mantra est la forme phonique de la divinité. Ils sont non duels.

Les mantras sont donc des outils, puissants et effectifs chez celui qui en connaît la force. Ils ne sont pas accordés à n’importe qui mais réservés à ceux qui en feront bon usage, c’est-à-dire au disciple dont le maitre connaît la droiture. En lui confiant le mantra au moment de l’initiation – l’initiation consiste essentiellement en la communication du mantra – le maitre lui donne ses propres pouvoirs, son cœur même, l’essence de la réalité. Autorisé de cette façon par le gourou, le disciple se met à célébrer le rituel et à transformer les instruments du culte. En consacrant la nourriture, l’idole ou quelque objet que ce soit par la puissance du mantra, le célébrant transforme cet objet et l’identifie au mantra et donc au dieu où à la déesse, de sorte que l’objet et le mantra soient non duels. L’objet consacré devient la divinité. Cet enseignement qui se trouve dans tous les cultes indiens n’est pas spécifiquement tantrique mais il se prête facilement à une élaboration tantrique.

On devine bien en quel sens cet enseignement est capable de réinterpréter plusieurs aspects de la foi catholique. Le Prologue de l’Evangile proclame que « Tout fut par [le Logos] et sans lui rien ne fut » (Jn 1.3.). Les paroles du Christ « sont esprit et elles sont vie » (Jn 6.63). Le célébrant de la Messe prononce les paroles « Ceci est mon corps » de sorte que la réalité essentielle du pain soit véridiquement le corps du Christ.

Or, la parole (vāc) suprême se manifeste par plusieurs étapes et les sous-tend toutes. La deuxième étape, première manifestation partielle de la parole universelle, est l’intuition (paśyantī), cette perception d’une vérité particulière qui reste encore inarticulée. Dans une troisième étape, on cherche en vain les mots pour bien exprimer ce qui est perçu. C’est ‘l’intervalle’ (madhyamā). Enfin on réussit à exprimer, d’une façon imparfaite bien sûr, ce qu’on a entrevu. C’est ‘l’expression’ (vaikharī).

Le trajet se fait en sens inverse aussi, car le disciple, ayant compris les paroles du maître, se trouve réabsorbé dans le silence infini d’où tous les mots proviennent. Les mots qui procèdent du silence de la conscience infinie ramènent l’auditeur dans ce silence.

On voit ces mêmes étapes chez le Christ (Dupuche 2005, 243-252). Au moment de sa naissance il s’exprime dans un premier cri qui contient, pour ainsi dire, toutes les paroles qu’il prononcera par la suite. En grandissant il trouvera les mots capables de manifester ce qu’il est, les mots de sa langue maternelle et de sa tradition religieuse, les mots qui laisseront entrevoir sa vérité mais qui sont incapables de le cerner. Jésus, qui est le Verbe fait chair, se comprend depuis le début, mais se perçoit et s’exprime graduellement, en trouvant les mots et en expérimentant sa réalité dans les circonstances variées de sa vie. De même à la fin, sur la croix, il jettera ce grand cri qui résume d’une façon étonnante tout ce qu’il expérimente : son désespoir autant que son triomphe. Après quoi le grand silence.

De cette façon, le Shivaïsme du Cachemire est capable de jeter une lumière nouvelle sur la question théologique du savoir de Jésus.

  1. Initiation

Le chapitre 13 du Tantrāloka se situe quasiment au centre du livre. Les chapitres 1-12 étalent le système philosophique du livre ; les chapitres 14 – 36 donnent le rituel qui réalise cette philosophie. Ce treizième chapitre décrit les initiations (dīkā) qui autorisent le disciple à pratiquer le rituel. Sans une compréhension du système et sans l’autorisation initiatrice, le pratiquant est incapable de célébrer le rituel effectivement : ses actes sont faux.

Il y a neuf niveaux d’initiation dont les trois premiers intéressent Abhinavagupta : il revoit les six autres en survol rapide. L’initiation la plus puissante, ‘la très intense’ (tīvra-tīvra), effectuée uniquement par la déesse – c’est-à-dire par la conscience – fait que l’initié sort vite de ce monde et s’identifie à Śiva sans jamais renaitre. La seconde initiation, ‘moyennement intense’ (madhya-tīvra), retient l’attention d’Abhinavagupta. Initié par la déesse sans entremise humaine, le récipient se met à enseigner les disciples qui se réunissent autour de lui, voulant par la générosité de son âme les libérer de leur ignorance. Dans le troisième niveau, ‘le peu intense’ (manda-tīvra), le disciple, bien qu’initié par la déesse, a besoin de se faire initier par un gourou s’il veut vraiment arriver à l’illumination.

Peut-on dire que c’est Marie, la mère de Jésus, qui a reçu l’initiation la plus intense (tīvra-tīvra) dès le premier instant de son existence, celle qui fait naitre le Verbe avant son assomption au ciel ? Peut-être cette façon inouïe, les dogmes de l’Immaculée Conception et de l’Assomption, très liés au récit de la chute, se rétablissent-ils sur de nouvelles bases.

Abhinavagupta ne néglige pas pour autant le rituel d’initiation. Si celui qui a reçu les deux formes supérieurs de l’initiation cherche à se faire initier par un gourou, ce n’est pas parce qu’il en ait besoin – il est déjà illuminé – mais c’est pour que l’extérieur et l’intérieur se coïncident.

Une certaine attitude catholique, tout en soulignant l’importance du rituel, s’est mise à l’exagérer. L’enseignement du Cachemire rappelle la primauté de ‘la déesse’, la ‘conscience’ : disons l’Esprit Saint qui inspire au préalable toute connaissance de la foi et tous les sacrements. Si l’Esprit n’agit pas avant le rituel du baptême, il agira par la suite, sinon le baptême restera inefficace. C’est l’Esprit qui rend actif le rituel fait par la main des hommes. Il faut souligner de nouveau la primauté de l’Esprit.

Dans les chapitres 14 à 36 du Tantrāloka, Abhinavagupta décrit les différentes sortes d’initiation : l’initiation ordinaire (samayī-dīkā), l‘initiation comme ‘fils’ (putraka), comme adepte (sādhaka), comme maître (ācārya). Mais il en fait peu de cas. C’est le ‘gourou’ qui assume toutes ces fonctions. De fait, Abhinavagupta, le grand gourou, réside tout tranquillement chez sa tante et réunit autour de lui un groupe très restreint de disciples. Il ne cherche pas le grand succès.

Dans selon Christianisme, Jésus est le grand gourou, qui a vécu et vit toujours. Il assume toutes les fonctions : il est la plénitude. En effet, on voit ‘l’attitude de Bhairava’ (bhairava-mudrā), dans le tableau saisissant de Piero della Francesca où Jésus surgit du tombeau, le regard dirigé à la fois vers l’extérieur et vers l’intérieur, lui qui a connu la mort et la vie, le ciel et les enfers, alors que les soldats s’allongent par terre, assoupis, les yeux fermés. Etant mort et ressuscité, Jésus résume tout en lui-même. Le dehors et le dedans sont identiques. Saint Paul l’a dit : « […] en [Jésus] tout a été créé, dans les cieux et sur la terre, […] Tout est créé par lui et pour lui. […] Car il a plu à Dieu […] de tout réconcilier par lui et pour lui […] ayant établi la paix par le sang de sa croix. (Col 1.15-20) »

Les questions se posent. Qui donc est le maitre universel, Jésus ou Ïiva ? Jésus est-il l’unique sauveur ? Le tantra pose les questions autrement : ‘Jésus, jouit-il de la conscience plénière ? Est-ce qu’il facilite l’accès à cette conscience ?’

Pour répondre à ces questions, notons en premier lieu que selon le Christianisme Jésus connaît la souffrance et la joie, la croix et la gloire. Les yeux pleinement ouverts il ne cache rien et ne se cache de rien. D’entre tous les grands maitres spirituels du monde, Jésus seul fut mis à mort, trahi par ses disciples, rejeté par son peuple, apparemment abandonné par son Dieu. Il a connu tous les paradoxes. Il a tout expérimenté. Il sait. Mais, notons le bien : il est capable de tout expérimenter car déjà, étant la parole suprême incarnée, il est la connaissance qui fonde toute connaissance. Mais le chrétien dira encore plus : Jésus sait parce qu’il aime. Jésus s’identifie à tout et prend part à tout. Il s’incarne. Il connaît les choses non pas comme autre que lui-même mais comme son propre soi. Il dit ‘Je sais’ parce qu’il dit au préalable ‘J’aime’. Si le Shivaïsme du Cachemire propose que la parole primordiale est ‘Je suis’, parole qui fait écho au ‘Je suis’ de l’Exode, le chrétien propose que la parole primordiale est ‘J’aime’. Si le premier verset des Śiva Sūtras, texte fondateur de l’école, est ‘La conscience est le Soi’ c’est parce que ‘Dieu est Amour’ (1 Jn 4.16).

Il s’ensuit que Jésus, le paradoxe des paradoxes, envoûte ceux qui l’entendent et les mène au-delà du mental pour les laisser entendre le silence ineffable, le Cœur divin. Ainsi compris, le Christ les met sur la voie de la conscience qui est amour. C’est très tantrique, c’est un tantra chrétien, c’est très moderne.

Aussi celui qui voit Jésus suit il le même chemin. Il devient non duel et paradoxale. Il ne ferme les yeux à rien, ni à l’horreur ni à la beauté. Il prend part à tout. Le chrétien commence à voir les profondeurs de l’Esprit en les autres traditions et leurs adhérents. Il est épris par la splendeur qui les habite, et dans leur cœur il entrevoit le Cœur infini. C’est très beau. Cette aventure est ‘facteur d’unification’ à la fois tantrique et chrétien.

Est-ce que la grande tradition religieuse et philosophique du Christianisme est dépassée ? Il est assurément inconcevable que toutes les expériences des mystiques et les réflexions des grands docteurs de l’Eglise soient dépassées. Toutefois, le christianisme tel qu’on l’a conçu est en profonde mutation. C’est parce que le Christ est toujours à découvrir. On craint la perte de la ‘transmission des traditions spirituelles’. Ce ne pas une perte ; c’est l’épuration de la vigne (Jn 15.2). En s’aventurant sur le chemin du Shivaïsme du Cachemire le chrétien découvre l’Evangile. Les lumières ne se contredisent pas mais s’illuminent.

Les paroles de l’Evangile recèlent les trésors infinis (Mt 13.52) qui ne seront jamais compris si non à la lumière de toutes les religions. Le chrétien ne peut devenir pleinement chrétien qu’en devenant vraiment tantrique et bouddhiste, musulman et hindou, selon les vérités essentielles qui soutiennent leurs rites et leurs enseignements. Il a besoin des textes non-chrétiens pour comprendre le texte chrétien. De même les tantriques cachemiriens, par exemple, ne peuvent pas se passer du Christianisme ; ils se mettront à l’école du Christ.

Jésus de Nazareth est le symbole du Jésus qui vient ; il ne sera pas tel qu’il était. La bonne nouvelle chrétienne consiste en l’annonce du Christ qui est venu, mais surtout en l’annonce du même Christ qui viendra par l’entremise des autres religions. En s’aventurant ainsi dans le Shivaïsme du Cachemire ou toute autre tradition bien articulée et fiable, le chrétien découvre le Jésus advenant, à peine reconnaissable mais le même Jésus. La rencontre du tantra force le chrétien à tourner les yeux vers un avenir inconnu, et il tremble un peu, déconcerté.

Le dualisme foncier de quelques théologies actuelles oppose les religions. Le non dualisme les récuse. Le non dualisme de Cachemire exige non pas une double appartenance mais une appartenance une. Il ne s’agit pas d’opposer et de choisir, mais d’en voir l’identité. Pour ce faire, il faut aller au-delà des expressions théologiques pour voir l’identité foncière. Le Verbe se manifeste en paroles diverses et contradictoires, et de cette façon nous laisse percevoir le fond de lui-même. Autrement, nous resterions au niveau superficiel du mental et du verbal alors qu’il faut plonger et trouver la personne du Verbe infini et du Dieu qui le prononce. (Dupuche 2005)

Par cette double appartenance, le chrétien devient authentique. Etant transfiguré par la rencontre de spiritualités diverses il voit apparaitre en son propre soi la forme de Jésus (cf. Ph 3.21). Il perçoit sa présence, non pas venant de dehors mais sortant des ombres du soi. De même, le pratiquant du Shivaïsme du Cachemire verra le Christ se manifester en lui. Il deviendra le Christ, le Christ reviendra en lui mais il aura l’aspect de Ïiva. C’est la deuxième venue de Jésus, glorieuse.

Bhairava est mythologique – même les Brahmanes le disent. Jésus par contre est réel, historique. Jésus le Christ est Jésus le Śiva (Dupuche 2003). Jésus est le grand tantrique.

  1. Autonomie et pouvoir

Les enseignements et les rites du Shivaïsme du Cachemire aboutissent à la reconnaissance (pratyabhijñā) par le tantrika de son identité (tādātmya) avec Śiva, identité non pas ressemblance. On ne dit pas, ‘Je suis semblable à Śiva’ mais ‘Je suis Śiva’. Le moi individuel (ahamkāra) est reconnu n’être qu’une expression partielle du Je essentiel. Les nombreux rites servent uniquement à identifier le pratiquant à Śiva.

Cet enseignement shivaïte jette une lumière nouvelle sur un aspect essentiel de l’annonce évangélique. Le chrétien qui entend les paroles de l’Evangile se reconnaît être un seul corps avec le Christ (Eph 2.16). Le soi individualiste meurt (Mc 8.35) et le Christ ressuscite en lui. Le chrétien se reconnaît être essentiellement l’expression du Soi universel. St Paul l’a déjà dit : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi». (Ga 2.20) Jésus ne révèle pas ce que le chrétien ne sera jamais : il révèle ce qu’il est déjà, sans le savoir. Le chrétien ne met pas sa foi en ce qui est autre que lui-même. Il s’identifie à celui qu’il est déjà. C’est la rédemption.

L’esprit de dévotion qui a si longtemps influencé la pratique chrétienne a perdu de sa force, si on entend par le mot ‘dévotion’ cet élan qui est incapable de franchir l’immensité séparant le ciel et la terre, le Créateur et la créature. La vraie dévotion, la bhakti tant chérie par les hindous, est selon le Shivaïsme du Cachemire une identification. La foi chrétienne aussi est une identification.

Ayant accès à l’attitude non duelle où l’extérieur et l’intérieur coïncident, on sait qu’on est foncièrement libre (svātantrya). Rien ne nous lie parce que rien ne nous oppose. On est affranchi de la Loi, dirait St Paul (cf. Rm 6.15, 7.4, I Co 6.12 etc.). On est autonome. C’est la liberté tant désirée de nos jours. Le tantra est tout à fait moderne.

Mais prenons garde. Cela seul est utile qui mène à l’éclosion (pravikāsa) de la conscience. Cela est à refuser qui mène à la folie (moha), c’est-à-dire, à l’obscurcissement (tiras) du divin savoir (vidyā). On ne suit pas ses propres fantaisies ; on prend le chemin (upāya) efficace. Celui qui reste libre à tout moment, est libre aussi des convoitises (lobha) et de l’ignorance (avidyā), de la haine et des ambitions. La licence est folle ; l’autonomie est pleinement consciente.

Le tantra chrétien propose donc un système de la morale, basé non plus sur les idées mais sur l’expérience de l’épanouissement (ucchalana) de la conscience. C’est la morale délicate et personnelle dont St Paul parle dans son Epitre aux Galates (Ga 5.19-24). Folie ou sagesse, égarement ou floraison, c’est à chacun de faire le choix et d’en accepter les conséquences bienheureuses ou néfastes.

Identifié à Śiva, le tantrique sait que cet univers provient de lui et lui revient. Il en est le maitre (prabhu), et tous les pouvoirs (siddhi) lui sont accordés. Il ne cherche pas ces huit pouvoirs surnaturels appréciés par les tantriques d’antan, dont le pouvoir de devenir minuscule ou immense, ni les pouvoirs tant cherchés par les charlatans tantriques de nos jours en Inde d’assurer le succès aux urnes électorales. Le tantrique cachemirien vise le plus grand des pouvoirs : la béatitude (ānanda).

Selon l’Évangile de S. Matthieu Jésus ressuscité proclame que tout pouvoir au ciel et sur la terre lui est donné (Mt 28.18) et lui-même il accorde à ses disciples le pouvoir de lier et délier (Jn 20.23). Mais ce sentiment de puissance gêne, car on a peur des responsabilités qui en découlent. On n’a confiance ni en soi-même ni en autrui. Le tantra chrétien, par contre, prône l’acquisition des pouvoirs, pour créer une terre nouvelle (Ap 21.1) et faire advenir le royaume des cieux (Ap 21.10). Ce tantra revendique une ecclésiologie renouvelée.

  1. Spiritualités du plaisir et de l’horreur

Alors que les partisans du Veda opposent plaisir (bhukti) et libération (muktī), les tantriques les identifient.

Laissons de coté le Tantrāloka, ce chef d’œuvre d’Abhinavagupta, encyclopédie de presque six mille couplets où il passe en revue tous les tantras de son époque et les réinterprète suivant sa tradition non duelle. Parlons plutôt du Vijñānabhairava-Tantra, opuscule de cent soixante-trois couplets dont cent-douze techniques basées sur la respiration (prāņa), le plaisir (bhoga), la récitation (japa) etc.

Les trois premiers hémistiches de chaque couplet donnent la technique, le quatrième en décrit le résultat (phala). Aussi s’agit-il principalement de savoir quoi faire, approche très moderne car on cherche aujourd’hui moins à connaître la doctrine qu’à apprendre la méthode. Les précisions théologiques, si utiles et nécessaires soient-elles, n’attirent pas l’attention. On veut savoir comment appréhender ses propres richesses. On veut expérimenter la conscience divine en soi-même et non pas l’admirer chez un autre, fût-ce même Jésus. On veut réussir par sa propre énergie autonome et ne pas dépendre d’une Eglise ou d’un clergé.

Le changement d’optique est énorme. Il faut que, d’une certaine façon, Dieu et Jésus disparaissent. L’attention humaine est dorénavant portée sur l’immédiat. En fixant l’attention sur l’actuel ou l’avenir et non pas sur le ciel et le passé on voit la personne de Jésus sortir, petit à petit, du fond de l’âme. Ce qui ressemble à l’athéisme prépare l’advenue de Jésus non pas de l’extérieur mais de l’intérieur. Ce genre d’athéisme est donc serviteur. Il facilite une reconstitution étonnante de l’annonce évangélique sous la direction de l’Esprit Saint. Les chrétiens s’ouvrent à cette inspiration novatrice de l’Esprit qui les amène au Christ qui révèle le Père éternel.

Parmi ces cent-douze méthodes, il y en a trois qui ont à faire avec la sexualité. Fait important. D’une part, cela veut dire que la Divinité se manifeste sexuellement et que la sexualité est un chemin vers la divinité. En effet, selon le Shivaïsme du Cachemire, la sexualité et la divinité ne sont pas opposées mais un. D’autre part, le fait qu’il n’y a que trois techniques sexuelles relativise l’importance de la sexualité dans le système tantrique. D’où l’erreur actuelle qui identifie tantra et activité sexuelle (Urban 2003, 203 ff.).

Ces trois techniques – les versets 68-70 – se placent parmi une série de onze couplets – les versets 65-75 – qui parlent des plaisirs  provenant de la nourriture, de la musique, de la réunion familiale etc., en somme les plaisirs de la vie de tous les jours. Le tantra n’oppose pas la vie ordinaire et la vie de l’esprit. C’est dans ce qui est particulier, immédiat, familial, charnel, qu’on peut atteindre l’universel. Le plaisir dégage l’esprit et amène finalement à la source de tout plaisir, c’est-à-dire Dieu qui est plaisir et plaisant. On est loin de ce cet ascétisme qui, à la suite d’une spiritualité cathare, veut opposer l’esprit et la chair.

La sexualité est un espace original, un lieu spirituel trop longtemps négligé, influencé de façon péjorative peut-être par l’arrivée des Hébreux en Canaan et les condamnations lancées par les prophètes contre la prostitution sacrée des temples (Am 2.7 Dt 23.18f.). Certes, le rejet des hiérogamies du monde antique est mitigé par Le Cantique des Cantiques où Dieu est présenté comme l’Amant d’Israël et où, dans les commentaires chrétiens, Jésus est présenté comme l’Epoux de l’Eglise (Eph 5.32). Mais dans la tradition judéo-chrétienne on hésite à attribuer le rapport masculin / féminin à la divinité même. Un tantra chrétien, par contre, perçoit le rapport Epoux – Epouse en Dieu même et non pas seulement entre Dieu et ce qui lui est foncièrement inégal, c’est-à-dire la créature, que cette créature soit le Peuple Choisi ou l’Eglise. Si tout au monde est un reflet de ce qui se trouve en Dieu, ne faut-il pas admettre aussi que la sexualité existe en Dieu lui-même aussi, de façon suréminente bien sûr. Oui, mais comment et en quel sens ? Voila un sujet impératif de réflexion.

Les pratiquants de l’union sexuelle tantrique (maithuna) expérimentent l’éclosion plénière de la conscience de sorte qu’ils s’identifient à Śiva et à la śakti, celle qui est l’énergie personnifiée. C’est de cette union de Śiva et śakti, le couple (yāmala) primordial et non duel, que nait le monde. La vibration (spandana) constante du monde, son émission (sṛṣṭi) et sa réabsorption (sahāra), sont la manifestation des étreintes amoureuses divines. Aussi les pratiquants de l’union sexuelle tantrique perçoivent-ils que le monde entier nait de leur union. Ils sont à la fois infini et fini, transcendant (viśva-uttīrņa) et immanent (viśva-maya), non duels.

Les partisans du Veda considèrent que les fluides sexuels (kuṇḍa-golaka) du corps sont immondes (aśuddha), mais pour les pratiquants du rite tantrique Kula ces fluides qui coulent lors de la jouissance sont bénis et moyens de bénédiction car en expérimentant (anubhava) ces expressions bien matérielles de la joie, ils pénètrent jusqu’à leur source, la béatitude divine. Il en est de même pour tout ce qui provient de la divine śakti. Les plaisirs particuliers sont le moyen de parvenir à ce qui est universel ; le fini devient le tremplin de l’infini. On s’immerge donc dans ce monde, on ne s’en esquive pas. Aussi chacun permettra-t-il à l’autre le plaisir particulier – musique, nourriture, spectacles etc. – qui lui est nécessaire pour atteindre la béatitude infinie. C’est un sentiment très moderne.

Le tantrique chrétien suit le même chemin et le développe car, sensibilisé de façon suréminente par l’Esprit Saint, il perçoit que tout est don. Il a un sentiment accru de la grâce et se trouve rapidement transporté en la béatitude divine où il entre en la communion des Personnes divines. Dieu est don. Les Personnes divines se donnent et sont données l’une à l’autre.

Il y a aussi le coté épouvantable auquel les partisans du tantrisme occidental se ferment facilement les yeux. Même les commentateurs savants essaient d’alléger ce côté ‘noir’ (Sanderson 1983). Voyons un peu.

Le tantra, et surtout le rite Kula, le plus extrême des tantras (Sanderson 1995, 23, 79), accorde une importance première au champ crématoire (śmaśāna), lieu d’horreur envahi par les yoginis, ces ogresses démoniaques. Si le tantrique y célèbre les rites (vidhi) nocturnes c’est parce qu’il ne refuse rien. Ce qui est à retenir, ce qui est à repousser, le pur (śuddha) et l’impur (aśuddha), il les accepte tous parce qu’il les transcende. Il s’immerge dans l’immonde comme moyen de se libérer des constructions mentales et de parvenir à la conscience plénière. Il sait consommer les fluides du corps tout aussi bien que les mets les plus délicieux. Il apprécie la musique mais ne refuse pas le hurlement des chacals qui se nourrissent des dépouilles. Il reçoit tout, de même que Jésus accepte le parfum de nard pur et la couronne d’épines.

La Messe, n’est-elle pas un rite tantrique ? Les baptisés, qui sont morts et ensevelis avec le Christ (Rm 6.3-4), s’aventurent là où le crucifix est dressé, et se nourrissent non pas d’un cadavre quelconque mais du corps et du sang de leur maître. Mais on édulcore la Messe car on craint son horreur. On hésite d’être vivant et mort, d’être ni vivant ni mort, de dépasser la vie et la mort pour découvrir la pleine conscience, c’est-à-dire la gloire divine.

Il semblerait qu’aucun rite de n’importe quelle religion n’est aussi paradoxal que la Messe. La vérité se trouve dans le paradoxe.

  1. L’ascendance de la femme

Au fur et à mesure que les déesses prédominent sur les dieux, les rites deviennent antinomiens (niiddha) et fauves. Parmi ces déesses se trouve Kālī devant qui chaque jour dans le temple à Kālīghat, banlieue de Calcutta, on sacrifie d’innombrables chèvres. Quel rapport peut-il y avoir entre Marie la douce et Kālī la féroce ? Toutefois, la déesse noire nous fait voir la Bienheureuse Vierge d’une toute autre façon, car si Kālī avance sa langue pour boire le sang des animaux et du monde, c’est Marie à Cana en Galilée qui demande, qui exige, que Jésus fournisse non pas tellement le vin mais plutôt son sang. Si Kālī danse sur le corps de Śiva, c’est Marie qui se tient tout près de la croix pour être la première à recevoir l’Esprit qui réjouit le monde. Kālī est un personnage mythique, Marie en est la réalisation historique. Marie est la Kālī et redevient ainsi la puissante Mère de Dieu.

Mais on a peur de Kālī, la śakti, car elle élimine le sentiment du soi individuel, ce sentiment qui est la souillure primordiale (āavamala). Elle fait écrouler les idées en révélant la suprême conscience qui dépasse tout. Elle est le vrai gourou qui, par l’intermédiaire d’une femme réelle et particulière, illumine le disciple pleinement. Pourquoi visiter le champ crématoire en dehors de la ville si on peut, chez soi et bien plus intensément, atteindre le même but en s’unissant à la partenaire tantrique (dū).

Ce travail de la divine śakti, c’est le travail de l’Esprit aussi. L’Esprit qui travaille à la divinisation du chrétien, le Feu qui consume, fait qu’on cesse d’être un individu et qu’on devienne une personne. Mais, hélas, on préfère son individualité, son atomisme, son petit soi. On refuse de perdre la vie pour la gagner (Mc 8.35).

L’Esprit Saint qui est l’apogée de la Sainte Trinité, cette Troisième Personne dont l’icône principale est la femme, va là où il veut, libre comme le vent (Jn 3.8) que rien, ni même les hommes d’Eglise, ne peut contraindre. Le chrétien se laisse inspirer par l’Esprit et se soumet à cette śakti; il cesse d’être figée et s’incline aux mouvements de l’Esprit tout puissant.

De nos jours les femmes ont à jouer le même rôle, dans la société comme dans l’Eglise. C’est la femme surtout qui sait discerner ce qui est fécond et ce qui est stérile. C’est donc aux femmes de détruire les constructions mentales et les temples construits par la main des hommes (Ac 7.48) qui ne servent plus à rien. C’est aux femmes de démontrer le chemin à prendre et de faire naitre une Eglise nouvelle. Voilà ce qu’enseigne le tantra chrétien. Il est très actuel.

  1. La prière

Dans ce système non duel comment peut-on parler de la prière, ce qui semble exiger un dualisme entre celui qui prie et celui à qui on prie. De fait, on ne trouve aucune discussion sur la prière dans le Tantrāloka. Tout au début du livre Abhinavagupta exprime sa reconnaissance envers Śiva dans un poème qu’il cite également au début du Tantrasāra (Abhinavagupta 1982) et du Parātriśikāvivaraa (Abhinavagupta 1991). On trouve ce même hommage dans le premier verset du poème Mahopadeśaviśatikā : « Hommage à Toi, mon propre Soi aux énergies infinies, lumières consciente et félicité éternelles ; (hommage à Toi) sous ta forme concrète d’univers dont l’essence transcende le déploiement des phénomènes. » (Abhinavagupta 1970)  Il y a hommage mais non pas prière. L’adepte (sādhaka) est censé obtenir par la puissance de ses mantras, de ses austérités (tapas), de ses diagrammes (yantra) etc., une sorte de puissance magique, soit noire ou blanche, capable de donner les résultats voulus.

Toutefois, même si ces aspects du tantra du Cachemire ne correspondent pas à l’idée chrétienne de la prière, il peut nous donner sujet de réflexion car Jésus prie, tout en assurant ses auditeurs qu’il obtient tout ce qu’il demande (Jn 11.41-42), que tout pouvoir lui a été donné au ciel et sur la terre (Mt 28.18), il prie, non pas par faiblesse mais parce qu’il est le Fils qui agit en identité de cœur et d’âme avec Celui qui l’envoie. Il ne demande une chose qu’il est incapable d’obtenir par des propres forces, mais il réalise en union avec Celui de qui tout provient, y compris ses propres pouvoirs. Le non dualisme de Cachemire n’empêche pas la prière : il la transforme. La prière chrétienne tantrique est à la fois toute-puissante et obéissante. C’est en acceptant le bien et le mal, le pur et l’impur, c’est en réconciliant en soi-même la diversité du monde qu’on acquiert un esprit d’équilibre (samatā) de sorte qu’on devient présent à tout, n’importe ce qui se passe. Une puissance extraordinaire se manifeste en soi, venant d’au-delà de ce monde. C’est la foi qui déloge les montagnes.

Conclusion

En somme ce tantra chrétien souligne le non dualisme en contraste avec le dualisme d’une certaine théologie chrétienne. Jésus est sauveur car il expérimente tout d’une façon non duelle. Il sait et il laisse savoir, et permet ainsi l’identification avec le silence du simple Cœur paternel. Jésus le grand tantrique, facilite la découverte de l’autonomie et du pouvoir. Il permet à chacun de découvrir la voie qui lui convient pour parvenir à l’amour pleinement conscient. Cela jette une base authentique de la morale. Le tantra chrétien prône une spiritualité sexuelle caractérisée par l’éclosion de la conscience et l’élimination du soi individuel, une spiritualité non duelle aussi du plaisir et de l’horreur dont la Messe est l’expression la plus complète. Finalement un tantra chrétien affirme la primauté de la femme, symbole de l’Esprit qui fait naître un monde nouveau, une Eglise nouvelle.

En somme, par sa richesse le tantra chrétien ouvre d’innombrables voies à la réflexion théologique.

Références bibliographiques

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ABHINAVAGUPTA, (1970) « Mahopadeśaviṁśatikā » dans Hymnes de Abhinavagupta, / trad. par L. Silburn, Paris, E. de Boccard, (Publications de l’Institut de Civilisation Indienne ; 31).

ABHINAVAGUPTA, (1982) [1918] Tantrasāra Delhi, Bani Prakashan. [Première édition avec notes, dir. Mukund Rām ShāstrÍ. Srinagar, Kashmir Series of Texts and Studies; 17]

ABHINAVAGUPTA, (1987) [1918-1938] Tantrāloka, with the Commentary of Jayaratha. Re-edited by R.C. Dwivedi and Navjivan Rastogi, enlarged with an introduction by Navjivan Rastogi and reprinted in 8 volumes, Delhi, Motilal Banarsidass, [Première edition dir. Mukund Ram Shastri, publiée en 12 volumes, Srinagar, Publications of the Research Department of the Jammu and Kashmir State, Kashmir Series of Texts and Studies; 23, 28, 30, 36, 35, 29, 41, 47, 59, 52, 57 et 58]

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KÑEMARÀJA, (1982), Pratyabhijñāhdayam, / trad. J. Singh, Delhi, Motilal Banarsidass.

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URBAN, H. (2003), Tantra : sex, secrecy, politics and power in the study of religion, Berkeley, University of California Press.

Résumés :

« ‘Un tantra chrétien’ ? Impossible ! Quel rapport peut-il y avoir entre l’érotisme du tantra et l’amour révélé par le Christ Jésus qui proclame, « Nul n’a d’amour plus grand que celui qui se dessaisit de sa vie pour ceux qu’il aime (Jn 15.13) ». Toutefois …. ».

Jean Dupuche, curé de paroisse et Honorary Fellow du ‘Centre for Interreligious Dialogue’ à l’Australian Catholic University, présente quelques réflexions sur les rapports entre l’Evangile et le Tantra du Cachemire. Non-dualisme, parole, autonomie, spiritualités du plaisir et de l’horreur, l’ascendance du féminin, la prière : tout un monde nouveau, qui répond aux besoins de notre époque, se révèle sous les étincelles du choc de cette rencontre interreligieuse inouïe. Cela aidera à une réflexion inusitée sur les rapports trinitaires, la conscience de Jésus, Jésus comme sauveur unique, les fondements de la morale, les doctrines mariales, etc.

‘A Christian Tantra’? Impossible ! What connection can there be between the eroticism of the tantra and the love revealed by Christ Jesus who proclaims, “ No one has greater love than this, to lay down one’s life for one’s friends (Jn 15.13) ”. And yet ….

Jean Dupuche, Parish Priest and Honorary Fellow of the ‘Centre of Interreligious Dialogue’ at Australian Catholic University, presents some thoughts on the relationship between the Gospel and the Tantra of Kashmir. Non-dualism, word, autonomy, spiritualties of pleasure and horror, and the ascendancy of the feminine, prayer: a whole world, which relates to the needs of our own times, is revealed in the light of an altogether novel interplay. It gives some pointers for new perspectives on the Trinity, the question of Jesus’ consciousness, on Jesus as unique saviour, the foundations of ethics, the Marian doctrines etc.

About interfaithashram

Rev. Dr. John Dupuche is a Roman Catholic Priest, a senior lecturer at MCD University of Divinity, and Honorary Fellow at Australian Catholic University. His doctorate is in Sanskrit in the field of Kashmir Shaivism. He is chair of the Catholic Interfaith Committee of the Archdiocese of Melbourne and has established a pastoral relationship with the parishes of Lilydale and Healesville. He is the author of 'Abhinavagupta: the Kula Ritual as elaborated in chapter 29 of the Tantraloka', 2003; 'Jesus, the Mantra of God', 2005; 'Vers un tantra chrétien' in 2009; translated as 'Towards a Christian Tantra' in 2009. He has written many articles. He travels to India each year. He lives in an interfaith ashram.
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