METAMORPHOSES
1966
Que m’importe les feuillets et les bouquins qui m’entourent,
et ces notes, fruits de mes yeux brulés?
Je fabrique les pétales qu’on lancera sur ma tombe pour m’enfouir.
Vanité des livres !
Seul l’homme est la vraie bibliothèque.
1967
Des longues années heureuses et paisibles,
Voilà que lentement le parcours se termine.
Bienheureux j’étais et de joie débordais.
Chaque jour, sans choc, se mêlaient ordre et plaisir.
Sous les pins sculptés planait une présence divine,
et dans les couloirs clairs luisait un visage.
J’étais heureux, rempli d’un saint dévouement,
voulant montrer, par mon obéissance
un engagement total envers Dieu.
1967
Nourri dès l’enfance, le désir est devenu rage :
d’être homme, chair, pouvoir,
et de régir par le corps.
Faut-il partir ?
Si je reste, la folie ;
si je pars, le regret,
car je m’accoutumais à cette vie, à ces amis.
Je pars, chassé dans le monde et non attiré.
Contre gré je quitte ces lieux chers.
Je quitte un bonheur ne sachant où trouver un autre.
Comment retrouver Dieu au sein du fini,
de l’informe qui rend fou ?
Comment parviendrai-je au bonheur
réconciliant l’éternel et l’immédiat ?
Une transformation – dur et douteux travail – m’est proposée.
Je moule le pain, et je ne sais s’il sera amer et inutile.
Je me lance dans l’incertain alors que je possédais la vérité.
Je veux être artiste du monde et artiste de Dieu.
En suis-je capable ?
1968
L’angoisse m’envahit, Seigneur, et me possède,
car, heureux avec toi et goutant d’une paix sans fin, je t’ai quitté.
Fou que je sois, je t’ai quitté
pour habiter le vide et les plaisirs sans joie.
Au plus profond je savais et je sais qu’illusoire était la tare
et que de mes propres mains j’ai détruit l’amour.
Aie pitié de moi, Seigneur,
et d’entre nous ôte ce péché qui m’étouffe,
où j’habite et me meurs.
Inspire à ceux qui régissent ton Église qu’eux aussi aient pitié de moi,
et laisse-moi t’être encore une fois voué et fidèle
pour te voir de nouveau dans l’aire de paix et de beauté.
1969
Réjouissons, Seigneur, car s’ouvre de nouveau
au fond du couloir sombre où fou je me suis jeté,
la porte, laissant – Ô chance
incertaine encore mais prometteuse – reluire la Lumière
Ne connaissant ni ta demeure ni où placer les pieds,
j’étais troublé, Seigneur, Toi qui dès mon enfance
m’appelais, Toi qu’allègre et joyeux je suivais
mais que mon péché, 1’inutile, a banni.
Dès lors je sais où te retrouver, Seigneur.
Jaillit maintenant la lumière.
Que la clarté se dégage, clarté épiphanique sans tare,
dans le partage du pain entre les hommes mes frères !