2006, Radio SBS, Pâques, La Parole
Le Scheik Fehmi Naji el-Imam, secrétaire du ‘Conseil d’Imams’ à Melbourne et personnage très respecté, nous a dit un jour, lorsque nous prenions le thé après une ‘conversation’ où peut-être vingt personnes se sont réunies : il a dit qu’il sentait qu’ « une parole s’était passée entre nous.» De fait nous sentions tous que quelque chose de profond s’était passé, une parole qui était à la fois silence et plénitude. Pourrait-on dire que la Parole, le Verbe de Dieu, s’est fait entendre parmi tous les mots échangés ce jour-là ? On avait l’impression de s’appartenir parce qu’on s’était partagé la Parole. Nous nous appartenions, Musulmans et Chrétiens. L’appartenance était double.
Deuxième anecdote : une belle photo fut publiée récemment dans le journal diocésain catholique qui s’appelle Kairos. Elle fut prise à l’occasion de la célébration à Melbourne du quarantième anniversaire d’un document important du Deuxième Concile du Vatican sur les rapports entre l’Eglise et les religions. Cette photo montre un participant déjà âgé et une jeune musulmane vêtue en hijab. Ils s’entretiennent sur le thème de la journée. Un regard de respect et de joie anime leurs visages. Les différences d’âge et de religion sont dépassés par ce qui est à leur origine, une présence, une Parole divines. Les disputes anciennes disparaissent. Ils communient en la Parole de Dieu, et se la communiquent. Un instant éternel les tient.
La foi chrétienne proclame que Jésus, la Parole divine, qui fut exprimée de différentes façons dans les grandes religions, s’est fait chair à Bethléem et fut crucifié à Jérusalem.
Parmi tous les grands personnages spirituels lui seul fut crucifié. C’est ce que nous célébrons chaque Pâques. Il a connu la joie et la détresse humaines, il a connu le bien et le mal, le ciel et les enfers. Il est trahi et mis à mort mais ce n’est pas malgré lui. Au contraire il prévoit son sort et le choisit. Il est le Verbe fait chair et vulnérable. C’est en subissant les extrêmes qu’il deviendra ce qu’il est : la Vérité universelle. Il est la Parole adressée à l’humanité entière, aux vivants et aux morts.
On sait que la chair fait un puissant appel à la chair. A la Sainte Cène, la veille de sa passion et chaque jour à la Messe, il nous donne sa chair comme nourriture, et cela nous touche profondément. Le cœur humain est ému par son coeur totalement humain. Il fable l’Ineffable. Jésus, le Verbe fait chair, nous emmène doucement dans le silence infini. En lui la chair humaine peut atteindre le Cœur de Dieu.
Le Jeux du Commonwealth qui se sont terminés il y a quelques jours, sont comme un symbole de la Fête Pascale. A ces occasions, lorsque un athlète reçoit une médaille d’or, ses concitoyens lancent des cris de joie. L’athlète a gagné ; eux aussi ont gagné. Ils ne font qu’un. Les autres athlètes embrassent le gagnant et, pour ainsi dire, forment un seul corps avec lui. L’athlète a remporté la victoire par un grand effort et après une longue période d’entraînement, mais tous participent à la victoire. Sa joie se communique à tous les spectateurs. On danse même de joie.
Les Jeux sont comme un symbole de la victoire de Jésus qui, par la douleur de sa passion a remporté la victoire sur le péché et tout ce qui barre l’accès au bonheur infini de Dieu. Il est la Parole qui révèle Dieu en toute plénitude. La joie de Jésus est la nôtre. Sa victoire est la nôtre. Il a gagné : nous avons gagné aussi. Nous ne faisons qu’un seul corps avec lui. Avec lui qui fut élevé sur la croix, nous montons au ciel dans un jaillissement de béatitude infinie.
Que ce sentiment de victoire et de joie s’installe chez vous en permanence. Que cette paix soit avec vous cette Pâque.