2006 SBS Noël Le regard de l’enfant
Un jeune couple est venu me voir récemment au sujet du baptême de leur petite fille. Leur garçon âgé de trois ans les accompagnait et me regardait avec ce regard clair des enfants. C’est comme s’il me posait la question, ‘Qui êtes vous ?’, ou bien, ‘Chez vous, de quoi est-ce qu’il s’agit?’. Le regard lumineux de l’enfant, qui s’appelait James, réclamait un retour de regard qui serait aussi clair et honnête. C’était une rencontre en silence. Cela me rappelait le poème de Victor Hugo que mon père récitait souvent. En voici quelques vers:
Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille
Applaudit à grands cris.
Son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l’enfant paraître,
Innocent et joyeux. […]
Enfant, vous êtes l’aube et mon âme est la plaine.
Ce même regard est jeté par tous les enfants sur le monde et nous pose à tous la même question, « Chez vous, de quoi s’agit-il ? » La fête de noël célèbre la naissance de Jésus. De l’étable où il fut né il aurait posé la même question, « Qui êtes vous ? » « Où est votre cœur? »
André Malraux, écrivain célèbre du siècle passé, disait, « Le siècle prochain sera religieux ou il ne sera pas .» Il contemplait les athéismes de son temps, le fascisme, le nazisme, le communisme et concluait qu’ils étaient incapables de garantir l’avenir humain. On croyait à l’époque que la religion était en voie de disparition et que l’existentialisme suffirait. Mais non, le fait religieux est redevenu de première importance. Certains diraient même, cyniquement, que si ce siècle est religieux il ne sera pas, car en effet on voit les extrémistes de toutes sortes, chrétien, juif, musulman, hindou. Mais on voit aussi la rencontre de plus en plus ouverte entre les religions. Juifs, chrétiens, hindous, musulmans, bouddhistes, tous s’ouvrent l’esprit et trouvent une profondeur qu’ils ne soupçonnaient pas exister. Le dialogue entre les religions est un signe d’espoir.
C’est l’action de l’enfant Jésus qui ouvre les bras pour accueillir l’humanité entière. Les extrémistes s’imposent, mais l’enfant Jésus se propose. Il se donne. Les petits bras qui ne peuvent alors rien faire s’ouvriront par la suite pour inviter les épuisés. Il dira un jour, « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai. » (Mt 11.28) Ses lèvres, qui s’apprêtent dans le berceau à recevoir le lait de Marie sa mère, s’ouvriront sur la croix pour boire le vinaigre. A Bethlehem il est le nouveau né, mais devenu adulte il s’écriera devant la foule rassemblée au temple, « Avant que Abraham existât, Je Suis. »
Le vacarme cesse quand nous nous approchons de la mangeoire. La noël est redevenu le secret des chrétiens, car le monde consommateur oublie la raison de la fête. Le père Noël promet les cadeaux mais l’enfant de Bethlehem est lui-même le don divin. Simple, accessible, silencieux, il nous attire, car la naissance de Jésus nous promet notre propre renaissance.
Mais le jour de noël peut être aussi une journée triste lorsqu’on reconnaît la dissemblance entre la paix du berceau et les disputes familiales. De tous, Jésus vient partager le sort. Lui qui est accueilli par le chant des anges à Bethlehem sera condamné à mort sur la croix à Jérusalem. Il veut être le doux seigneur de tous, des vivants et des morts, des heureux et des malheureux. Il est devenu homme pour partager la condition de tous les hommes et les inviter à participer à sa joie. Voila son offrande à l’humanité.
Quel sera votre cadeau en cette fête ? Le seul don qui compte finalement est le don de soi. Que la paix de celui qui est fils de Dieu et fils de Marie soit toujours avec vous et les vôtres.